Pourquoi les joueurs de badminton servent-ils en revers ?
C’est l’un des sports les plus spectaculaires et les plus exigeants (physiquement) qui soient. A l’occasion des Internationaux de France de badminton, qui se déroulent actuellement à Paris, Fabrice Vallet, directeur technique national adjoint à la Fédération française, décrypte le service.
Un coup neutre
«D’abord, il faut préciser que contrairement au tennis ou au tennis de table, le service au badminton n’est pas une arme. Au mieux, il s’agit d’un coup neutre, voire d’un coup faible. Le service est plus une mise en jeu qu’autre chose. Ce qui pourrait évoluer avec l’application de nouvelles règles. Cela reste l’un des coups les plus difficiles du bad. Il est primordial car il conditionne la suite de l’échange. Il y a des bons serveurs, d’autres qui sont en difficulté. Nos joueurs passent énormément de temps à taper des services à l’entraînement.»
Septième côte flottante…
«Au service, le règlement stipule que le volant doit être frappé en dessous de la septième côte flottante. Ce qui est assez abstrait, difficile à arbitrer pour les juges de service et assez inéquitable: un joueur qui mesure 2 mètres et l’autre 1,70 m ne sont pas à armes égales. Pour remédier à cela, la fédération internationale teste depuis un an et encore à l’occasion des Internationaux de France, une règle qui fixe à 1,15 mètre la hauteur au-dessus de laquelle il est interdit de frapper le volant (au centre du terrain, le filet culmine à 1,524 m). C’est pour cela que sont installés autour du court des poteaux de plexiglass matérialisant cette hauteur et facilitant le travail des juges de service. De même, la règle voulant que la raquette et le tamis du serveur soient orientés vers le bas est en passe d’être supprimée: la raquette du serveur peut désormais être horizontale, voire orientée vers le haut.»
Le service en revers
«Avec ce type de service, le point d’impact entre le volant et la raquette est le plus proche possible de l’adversaire, ce qui limite son temps de réaction car on frappe le volant franchement devant soi. En coup droit, au mieux on frappe le volant au niveau du corps mais le plus souvent derrière soi, ce qui laisse plus de temps à l’adversaire pour s’organiser.»
Une évolution récente
«Le service en revers s’est imposé à partir des années 2000. Auparavant, on servait plutôt long en coup droit. Une tactique qu’utilisent encore certaines filles, comme la numéro 1 mondiale, la Taïwanaise Tai Tzu Ying, qui sert long pour faire bouger son adversaire. Alors que l’Espagnole Carolina Marin, triple championne du monde et championne olympique, sert court en revers. Chez les hommes, seuls deux joueurs utilisent encore le service en coup droit court.»
Pourquoi servir court ?
«Le badminton est un sport explosif. En servant court, on espère que le relanceur renverra un volant permettant d’attaquer. Servir court évite de donner l’attaque à l’adversaire. On peut dire que 95% des joueurs utilisent le service court. Ce qui ne signifie pas qu’on ne peut pas varier le service. On peut servir croisé, décroisé, sur l’adversaire, on peut varier l’intensité, la hauteur, l’angle de la frappe, en fonction du type de retour proposé par l’adversaire. On peut jouer sur ces facteurs tout au long du match pour gêner son opposant. Et si ce dernier a vraiment une excellente capacité d’anticipation, on peut essayer de servir long pour le déstabiliser. Le service long peut être une option en double mixte. Dans cette spécialité, le garçon est derrière pour faire parler sa puissance, la fille est devant pour dicter la stratégie. Servir long sur la fille peut l’obliger à reculer et bousculer cet équilibre.»
Sans effet
«Au badminton, on peut donner de l’effet au volant en frappant les plumes plutôt que le bouchon du volant. C’est interdit au service depuis l’affaire des frères Sidek. Il s’agissait d’une famille de joueurs de badminton malaisiens: ils avaient mis au point ce qu’on a baptisé le service « S » en frappant les plumes du volant, ce qui rendait sa trajectoire totalement imprévisible donc illisible pour les adversaires. Dans les années 80, cette arme leur a permis de remporter un tournoi uniquement sur le service. Devant le tollé, la Fédération internationale au aussitôt interdit cette technique.»
Source : Libération